La Bouitte
L'expérience
À 1500 m d’altitude, légèrement en contrebas de la route sinueuse qui conduit à Val-Thorens, au cœur d’un hameau, ce beau chalet dans la pure tradition savoyarde avec ce qu’il faut de bois (ancien), de pierres du pays, de lauzes et d’ardoises ne joue pas la carte de l’exubérance artificielle, mais celle de l’authenticité au sens noble du terme. On s’y sent instantanément bien. Tout simplement bien. La salle est singulièrement chaleureuse par la grâce des beaux meubles, de l’élégante charpente, de la baie panoramique qui ouvre sur un paysage verdoyant (ou enneigé), par les tables si bien mises, par les faïences et poteries… et par l’accueil adorable de la famille Meilleur et de toute son équipe. Tout est donc en place pour se laisser conter l’esprit du lieu et la cuisine inspirée de René et Maxime. Retenons, par exemple, ce superbe filet de féra du Léman, si beau, si bien cuit (à l’arête), si délicat. Une extrême fine feuille de pain croustillante assure une panure arachnéenne. Échalote ciselée au vin blanc et cœur de celtuce à peine glacée l’accompagnent avec élégance. Un léger beurre blanc mousseux à la roussette apporte l’ultime note gourmande sans jamais lui voler la vedette. En majesté, la très belle pomme de ris de veau fumée au hêtre, glacée et laquée d’une sauce aigre-douce dosée avec doigté, compte parmi les plats emblématiques. L’accompagnement volontairement minimaliste associe subtilement pomme de terre Agria et lard. Une «cigarette russe» au raifort fait souffler une agréable brise de fraîcheur. Pourquoi ne pas conclure par le dessert «signature» imaginé il y a une douzaine d’années pour célébrer tout à la fois le lait et l’environnement neigeux, immaculé de l’hiver?? Le lait de la vallée (vache, chèvre) est donc traité en meringue, tuile givrée, mousse, poudre, sorbet et biscuit. Une douceur supplémentaire est apportée par une confiture de lait d’exception. C’est surprenant, rassurant et délicat. Il faut aussi souligner l’attention portée aux amuse-bouche, à l’avant-dessert, aux mignardises… et ne pas manquer les séquences du pain (des pains !) du beurre (des beurres !) qui constituent un grand moment. Le temps s’écoule ainsi, sans heurts, sans ennui… le service est fluide, chaleureux, prévenant… Il faut pourtant songer à s’en aller. Comme à regret… sans avoir notamment pu véritablement explorer la très riche carte des vins !