
Maison Kervarrec
L'expérience
C’est peu dire que son retour en Bretagne est un évènement. Résonnez binious et bombardes , Ronan Kervarrec est désormais chez lui dans ce quartier résidentiel de la proche banlieue rennaise. Certes, nous sommes loin des hauts lieux touristiques où il a précédemment laissé une empreinte durable : Eze et le Château de la Chèvre d’Or ou plus récemment Saint Emilion (ex Hostellerie de Plaisance). Le souhait « d’ailleurs » des époux Etcheverry - qui ont fait du Saison une solide référence gastronomique - vers La Rochelle, l’a convaincu qu’une belle opportunité s’offrait à lui. Tant pis pour son Morbihan natal, ce sera l’Ille et Vilaine ! Plusieurs mois de travaux ont permis une rénovation complète. C’est une réussite. C'est racé, particulièrement confortable, chaleureux, apaisant… sans exubérance déplacée. Tout est ainsi en place pour permettre à Ronan de jouer une partition toute personnelle dont les souvenirs gustatifs de son enfance sont le fil conducteur. La Bretagne y est en majesté. Cela débute donc par une emblématique galette de blé noir, franche de goût, avec pommes de terre relevées d'une fine tranche d'andouille de Guémené juste saisie et d'un soupçon d'échalote, de sarrasin torréfié et d'une gelée de lait ribot. Argoat encore avec un splendide ris de veau croustillant et moelleux couché sur une fraise de veau préparée comme une andouillette (estragon/moutarde à l'ancienne), quelques petits oignons caramélisés et quelques touches d'une purée citron-réglisse. Place à l’armor avec une très belle expression marine sous forme d’une chair d'araignée aux saveurs exacerbées par un sorbet et un espuma de "e;crémeux de tête"e;. Le tout est arrosé d'un bouillon de carcasses infusé à la verveine d'une remarquable tonicité. Il est tout aussi possible d’évoquer avec émotion un superbe pavé de lieu "e;simplement"e; poché dans un beurre clarifié qui en préserve toute la fraîcheur et la douceur en bouche. La marinière de coques et les algues nori accentuent le souffle iodé de ce plat que vient nimber une émulsion de beurre blanc d'une grande délicatesse. Mais gardons pour la fin, le homard cuit à la braise (feu de bois) et accompagné de spaghetti de mer travaillés comme une carbonara (jaune d'œuf confit et lardons) et une sauce civet au corail de homard, suave et intense. Un plat dont on se souvient longtemps. C’est ce qui explique peut-être que le dessert autour des fraises locales, certes plaisant, nous a semblé un peu en retrait. Nul doute que progressivement la carte des vins s’enrichira de plusieurs pages. D’ores et déjà, il n’est pas difficile de faire une bonne pioche : muscadet du domaine de la Pépière ou encore celui du domaine de Bellevue (38€), sancerre de Vincent Pinard, meursault du domaine Bernard Bonin… Ce serait un oubli coupable de ne pas parler de la douce Els Kervarrec qui assure un accueil d’une prévenance infinie tout en veillant sur un personnel de salle stylé et impliqué.
